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Réduction de capital en 2018 : bienvenue en absurdie !
On ne dénoncera jamais assez cette mesure qui, selon ses auteurs vise soi-disant à mettre fin à des abus constatés (quel abus y a-t-il pourtant à récupérer sans impôt sa mise de fonds ?), mais n'a en réalité qu'une visée purement budgétaire.
Cette disposition, dont on peine à comprendre la moindre logique et justification (le seul argument avancé est qu’un pays voisin applique le même régime), fait partie de ces moyens inventés par l’Etat pour compenser à tout prix la baisse prochaine du taux de l’impôt des sociétés.
Toujours est-il que les nouveaux textes sont déjà produits (article 18,2bis, nouvel article 184 alinéa 5 et article 264, alinéa 1, 3°, c du CIR) et nous permettent de comprendre la manière dont il convient d’appliquer le nouveau régime.
Deux étapes sont requises pour calculer le précompte mobilier sur les réductions de capital dès 2018.
- Dans un premier temps, il faut calculer le coefficient de répartition des remboursements en utilisant la fraction suivante : au numérateur, la somme du capital libéré, des primes d’émission et des parts bénéficiaires assimilées au capital libéré, et au dénominateur, la somme des réserves taxées, des réserves exonérées incorporées au capital et du montant déterminé au numérateur. Le projet de loi précise que certaines réserves taxées et certaines réserves exonérées ne seront pas prise en compte : il s’agira essentiellement de la réserve de liquidation et de la réserve spéciale de liquidation (qui conservent leur régime fiscal propre- c’est la moindre des choses… ), des réserves occultes (tels des excédents d’amortissement par exemple), de la réserve légale à concurrence du minimum légal, des plus-values de de réévaluation ou encore de la réserve indisponible pour actions propres.
- Dans un second temps il faut calculer l’ordre d’imputation du prorata sur le capital libéré et sur les réserves taxées visées par le régime. La disposition légale prévoit l’ordre d’imputation suivant pour les réserves : d’abord sur les réserves taxées incorporées au capital, puis sur les réserves taxées non incorporées au capital et enfin sur les réserves exonérées non incorporées au capital.
L’article 184 alinéa 5 nouveau du CIR précise que le montant du capital libéré n’est toutefois pas diminué à concurrence de la quotité de la réduction qui a été imputée sur les réserves taxées ou exonérées. Il faut donc le « revaloriser ». Cet ajout s’est avéré nécessaire pour éviter une double imposition (lors de disparition à terme desdites réserves). En pratique cela requiert d’incorporer dans le capital fiscal une réserve négative.
Faut-il préciser que quelques exemples d’application de ce nouveau « machin » fiscal sont nécessaires pour comprendre ces règles ?
1. Exemple simple
Soit une société avec un capital (exclusivement libéré sur la plan fiscal) de 10.000 EUR, une réserve légale de 1.000 EUR, une réserve de liquidation de 3.000 EUR et des réserves disponibles de 5.000 EUR. Il n’y a pas de réserve exonérée ou de réserves occultes. Une réduction de capital de 2.000 EUR est envisagée.
Le coefficient sera de 10.000/15.000 sera de 66,67 % (le dénominateur ne comprend pas la réserve légale et la réserve de liquidation).
L’imputation sera la suivante : imputation fiscale sur le capital libéré 2.000 x 66,67 % = 1.333,33 EUR et donc imputation sur les réserves taxées (soumises au précompte de 30%) de 666,67 EUR.
Au passif du bilan, la seule modification sera la diminution du poste Capital qui passe de 10.000 EUR à 8.000 EUR (modification du montant du Capital social).
Le tableau du capital fiscal est en revanche adapté comme suit :
- Capital libéré : 10.000 EUR – 1.333,33 EUR = 8.666,67 EUR
- Réserve taxée négative incorporée au capital = 666,67 EUR
- Capital à revaloriser : 10.000 EUR – 1.333,33 EUR = 8.667,67 EUR.
Dans la déclaration fiscale, la diminution des réserves de 666,67 EUR (apparition de la réserve négative incorporée au capital) sera compensée par un dividende du même montant. La société devra donc retenir un précompte mobilier de 200 EUR.
Pas de base imposable car le prélèvement ne porte sur aucune réserve exonérée.
2. Exemple plus complexe
Soit une société avec un capital de 10.000 EUR. Ce capital comprend 5.000 EUR de capital fiscal libéré, 2.000 EUR de réserves taxées incorporées au capital et 3.000 EUR de réserves exonérées incorporées au capital (qui ne sont pas des plus-values de réévaluation).
Au bilan figurent aussi une réserve légale de 1.000 EUR, une réserve de liquidation de 3.000 EUR et des réserves disponibles de 5.000 EUR. Il n’y a pas de réserves occultes. Une réduction de capital de 2.000 EUR est envisagée.
Le coefficient sera de 5.000/15.000 sera de 33,33% (le numérateur ne comprend que le capital libéré et le dénominateur ne comprend pas la réserve légale ni la réserve de liquidation mais bien les réserves taxées et exonérées incorporées au capital et les réserves disponibles).
L’imputation sera la suivante : imputation fiscale sur le capital libéré de 2.000 EUR x 33 % = 666,67 EUR, et donc imputation sur les réserves taxées (soumises au précompte de 30%) de 1.333,33 EUR.
Au passif du bilan, la seule modification sera la diminution du poste Capital qui passe de 10.000 EUR à 8.000 EUR (modification du montant du Capital social)
Le tableau du capital fiscal est en revanche adapté comme suit :
- Capital libéré : 5.000 EUR – 666,67 EUR = 4.333,33 EUR
- Réserves taxées incorporées au capital = 2.000- 1.333,33 EUR = 666,67 EUR
- Réserves exonérées incorporées au capital : 3.000 EUR (inchangé car il y a suffisamment de réserves taxées pour absorber l’imputation)
- Capital à revaloriser : 5.000 EUR – 666,67 EUR = 4.333,33 EUR
(À noter que si les réserves taxées incorporées au capital avaient été d’un montant insuffisant pour absorber l’imputation, il y aurait eu imputation sur les réserves exonérées incorporées au capital et il aurait fallu prévoir la constitution d’une réserve négative incorporée au capital à concurrence du dépassement de ces réserves taxées).
Dans la déclaration fiscale, la diminution des réserves incorporées au capital de 1.333,33 EUR (passage de 2.000 EUR à 666,67 EUR) sera compensée par un dividende du même montant. La société devra donc retenir un précompte mobilier de 400 EUR.
Pas de base imposable car le prélèvement ne porte sur aucune réserve exonérée.
Chers contribuables, chers professionnels du chiffre, vous voici donc à nouveau les victimes des esprits tortueux qui ont commis ce régime fiscal qui était à notre avis parfaitement inutile et qui va sérieusement vous compliquer la vie. Sans compter l’inanité d’une telle perception de précompte mobilier pour de simples remboursements de capital.
Il ne sera pas simple de suivre l’évolution du capital fiscal, de maitriser la technique de la réserve négative incorporée au capital, de pas commettre d’erreur dans le calcul du coefficient (en tenant bien compte des éléments à inclure et à exclure du dénominateur), de respecter correctement l’ordre d’imputation légal et de remplir sans faillir les prochaines déclarations fiscales à l’impôt des sociétés, en veillant à ce qu’elles ne présentent pas de discordance avec le bilan.
Cette nouvelle mesure s’inscrit dans le prolongement d’autres procédés (telles la liquidation interne de l’article 537 du CIR et diverses autres mesures anti abus) d’une complexité alarmante et qui n’amusent que ceux qui les conçoivent ou les contrôlent mais jamais ceux qui doivent les appliquer.
Et dire qu’on parle d’une volonté de simplifier le code des impôts sur les revenus et d’améliorer l’applicabilité les lois fiscales. Mieux vaut en rire.
Un exemple de plus en tout cas de ce qu’il ne faut pas faire ….
Une telle absurdité rappelle de plus en plus l’atmosphère des romans de Kafka.
Par Pierre-François Coppens, Fiscaliste
http://www.coppensfiscaliste.be
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